Amazing Grace a également inspiré la composition d’autres chansons portant le même titre et même message central de grâce sans avoir les mêmes lyrics ni la même mélodie. Une de ces chansons est Amazing Grace de Phil Wickham dont la traduction en Kirundi vient d’être mise en ligne par le projet de Selah Hymnody

C'est une grâce incroyable, un amour sans faille
Que tu prennes ma place et Que tu portes ma croix
Tu as donné ta vie pour que je sois libéré
Qui fait des orphelins ses propres fils et filles ? C’est Le Roi de gloire
Qui gouverne les nations avec vérité et justice
Qui brille comme le soleil dans tout son éclat
C’est Le Roi de gloire, le Roi au-dessus de tous les rois

Les lyrics de Phil Wickham mettent en relief deux aspects de l’Evangile: celui de l’œuvre propitiatoire de Jésus et celui de la transformation sociale. Dans cet article, nous reviendrons sur la façon dont l’un influe sur l’autre.

AMAZING GRACE et notre alliance en Jésus Christ

Vous le savez déjà peut être que les communautés noires se sont appropriées de la chanson Amazing grace plus que n’importe qui. Aux Etats Unis, certaines églises des noirs doivent la chanter tous les dimanches matins.  Les noirs s’identifient avec cette chanson sans doute à cause de leur longue histoire d’esclavage, ségrégation raciale et différentes injustices sociales perpétrées à leur égard qui ne manquent pas de similitudes avec celle d’un ancien trafiquant d’esclaves puis repenti pour devenir un abolitioniste.

Le monde se souvient encore de Barack Obama qui a entonné cette chanson lors des funérailles du Révérend Clemenyta Pinckney, sénateur de la Caroline du sud , et pasteur dans l’Eglise Episcopal Méthodiste Africaine Emmanuel. Il avait été fusillé dans l’Eglise par un membre d’un groupe suprématiste blanc en 2015.

Avant de revenir sur la dimension sociale de la grâce de Dieu, rappelons que bien que la chanson soit souvent utilisée pour se réconforter et s’encourager  mutuellement, au milieu des souffrances liées aux injustices sociales, la fin primordiale pour laquelle la chanson fut composée est loin d’être celle là .

Nous ratons quelque chose de très important si nous nous servons de la chanson pour s’apitoyer sur notre sort , comme le font plusieurs églises noires. L’auteur se voit non pas comme une victime d’une situation d’injustice mais comme un misérable pécheur, qui a besoin de la grâce de Dieu pour retrouver le sens de la vie. Newton ne conçoit pas Jésus comme un révolutionnaire politique mais avant tout comme un sauveur qui nous sauve de nos propres péchés.

Si AMAZING GRACE est facilement associé à l'histoire des Noirs qui s’en approprient, en l'appliquant à leurs besoins, la chanson s’inspire avant tout de l'alliance davidique. John Newton l’a écrit pour accompagner son sermon du jour de l'An 1773.

Le sermon était basé sur 1 Chroniques 17, en particulier les versets 16 et 17. Dans ce chapitre, Dieu envoie le prophète Nathan au roi David pour lui dire que parce que David souhaitait construire une maison à Dieu, Dieu construira à son tour sa maison en une dynastie éternelle. David répond par une prière reconnaissante qui exalte le Dieu d'Israël, le Dieu de l’alliance qui a été accomplie en Jésus Christ et ratifiée par son sang.

Amazing Grace et la justice sociale

Newton est l’exemple qui illlustre que quand Dieu nous transforme dans nos cœurs, nous ne regardons plus le monde de la même façon. Si l’évangile social est un évangile humaniste, l’évangile biblique doit avoir des implications sociales.

John Stott est connu pour s’être  consacré à démanteler le fossé tragique entre la proclamation de l'Évangile et les bonnes œuvres. Il a dit:

« Notre Dieu est un Dieu d'amour qui pardonne à ceux qui se tournent vers lui dans la repentance, mais il est aussi un Dieu qui désire la justice et qui nous demande, en tant que son peuple, non seulement de vivre avec justice, mais aussi de défendre la cause des pauvres et des impuissants. En effet, « le Dieu vivant est le Dieu de justice ainsi que de justification ».(1)

Stott n’a jamais cru que nous pouvons amener le royaume des cieux sur terre par nos propres efforts politiques. Mais nous devons arriver au point d’appréhender le but de la mort de Jésus au delà du salut individuel. il y a des dimensions macro, couvertes par l’œuvre de la croix.

Dieu poursuit le travail de tout réconcilier à Lui même et restaurer toutes choses en Christ. Au delà de la réconciliation individuelle, Christ établira un royaume éternel de paix et de justice. Ainsi notre action transformatrice à travers les œuvres de miséricorde et la quête de justice dans le présent, comme il le disait , est un signe du monde juste que Dieu lui-même apportera dans la plénitude des temps.

Un équilibre qui divise

On peut être un bon chrétien et ne pas réaliser tout de suite le besoin d’un tel équilibre. L’Histoire du christianisme n’a t-il pas démontré que la responsabilité sociale constitue souvent l’angle mort des chrétiens. Billy Graham était trop axé sur la proclamation qu’il a fallu que John Stott le réveille brutalement à l’équilibre.

Aux temps de Newton, plusieurs chrétiens justifiaient l’esclavage avec des arguments bibliques. Martin Luther King comptait des pasteurs et théologiens blancs parmi ses opposants farouches dans sa lutte contre la ségrégation raciale

La longue marche vers l’Eveil

Même pour John Newton, il a fallu des décennies pour qu’il s’active contre l’esclavage. J’aimerais vous donner le timeline de sa vie depuis la conversion pour vous laisser voir sa progression…

Leurs efforts furent en partie couronnés de succès en 1807, lorsque la traite négrière fut officiellement abolie par le Parlement et la Chambre des communes britanniques. Newton, gravement malade et presque complètement aveugle, était « ravi d’apprendre la merveilleuse nouvelle ».

Cependant, ce succès ne mettait un terme qu’à la pratique consistant à initier un nouveau commerce d’esclaves. La loi n'a pas libéré les esclaves déjà transportés et vendus. Cela s'est produit en 1833 lorsqu'une loi a finalement été adoptée, accordant la liberté à tous les esclaves de l'Empire britannique.

La croix, cette Fontaine où nous puisons la force d’aimer

Mais pour que cela puisse se réaliser, ceux qui mènent cette lutte puisent dans la croix. Ils sont eux-mêmes récipients de la grâce de DIEU qui les rend gracieux.

Si nous insistons sur ces changements sociaux sans insister sur l’Evangile, nous peinons pour rien, les gens peuvent être livrés à des injustices sociales et perdus éternellement où les tourments de l’enfer seront de lui plus douloureux que n’importe quelle expérience d’injustice connue sur la terre.

J’ai la joie de clore cet article sur une citation de John Stott. Un des meilleurs livres qu’il ait jamais écrit est The Cross Of Christ. Bien qu’il ait insisté sur la dimension sociale de l’Evangile, il savait que le cœur de tout engagement social réside dans la doctrine de la substitution pénale. Je termine cet article sur sa citation qui magnifie la croix et souligne l’importance de la doctrine de la substitution pénale.

Dieu doit « se satisfaire lui-même », en répondant aux réalités de la rébellion humaine d’une manière parfaitement en accord avec son caractère. Cette nécessité interne est notre point de départ fixe.
En conséquence, il serait impossible que nous, pécheurs, restions éternellement les seuls objets de son saint amour, puisqu'il ne peut à la fois nous punir et nous pardonner. D’où la deuxième nécessité, à savoir la substitution.
La seule manière pour que le saint amour de Dieu soit satisfait est que sa sainteté soit dirigée par un jugement sur celui qu’il a désigné, afin que son amour puisse être dirigé vers nous dans le pardon. Le substitut porte la pénalité afin que nous, pécheurs, puissions recevoir le pardon…
C'est le Juge lui-même qui, dans un saint amour, a assumé le rôle de victime innocente, car dans et par la personne de son Fils, il a porté lui-même la peine qu'il a lui-même infligée… Car pour nous sauver de manière à se satisfaire, Dieu par Christ s'est substitué à nous. L'amour divin a triomphé de la colère divine par le sacrifice de soi divin.
La croix était un acte à la fois de châtiment et d'amnistie, de sévérité et de grâce, de justice et de miséricorde. Nous rejetons donc fermement toute explication de la mort du Christ qui n’a pas pour centre le principe de « satisfaction par substitution»,
Le Père juste et aimant s’est humilié pour devenir dans et par son Fils unique chair, péché et malédiction pour nous, afin de nous racheter sans compromettre son propre caractère. Les mots théologiques satisfaction et substitution doivent être soigneusement définis et sauvegardés, mais ils ne peuvent en aucun cas être abandonnés. L’évangile biblique de l’expiation est celui de Dieu se satisfaisant lui-même en se substituant à nous.
On peut donc dire que le concept de substitution est au cœur du péché et du salut. Car l’essence du péché, c’est l’homme se substituant à Dieu, tandis que l’essence du salut, c’est Dieu se substituant à l’homme. L'homme s'affirme contre Dieu et se met là où seul Dieu mérite d'être ; Dieu se sacrifie pour l'homme et se place là où seul l'homme mérite d'être. L'homme revendique des prérogatives qui n'appartiennent qu'à Dieu seul ; Dieu accepte les châtiments qui n’appartiennent qu’à l’homme.(2)

(1) John Stott, Issues facing Christians Today, 29–32.

(2) John Stott, The Cross of  Christ, pp. 157-59