Cependant, à partir des années 1990, nous avons assisté à l'émergence de groupes de louange, caractérisés par une musique méditative et contemporaine. Ce phénomène a engendré une lutte au sein des églises dites traditionnelles, engendrant parfois un conflit de générations. d’un côté les jeunes réclamaient les groupes de louange, tandis que des personnes plus âgées demeuraient conservatrices et souhaitaient garder les chorales à tout prix. Si le nouveau style des groupes de louange s’est actuellement généralisé dans les églises émergentes, la tension n’en demeure pas moins d’actualité dans les églises traditionnelles et le débat divise encore.

D'après D. Martyn Lloyd-Jones, le chant dans l'Eglise a été utilisé par le diable plus que toute autre chose pour diviser le corps de Christ. L'objectif de cet article n'est pas de prendre parti, mais plutôt de souligner la prééminence du caractère congrégationnel des chants au delà des styles, lorsque nous nous réunissons pour louer et adorer notre Dieu, qui nous a été révélé en Jésus, dans la puissance du Saint-Esprit.

Développement historique du chant dans l’Eglise

Pour comprendre l'évolution du chant dans l'église, il est essentiel de remonter dans l'Histoire. Pendant les premiers siècles de son existence, l'Eglise était persécutée et les chrétiens se réunissaient clandestinement dans des maisons. Dans ces petites églises de maison, tout le monde participait au culte. Le format du culte était moins sophistiqué et tout l’auditoire chantait ensemble.

Cependant, avec l'Édit de Milan en 313 après J.-C., qui a mis fin à la persécution des chrétiens, les choses ont commencé à changer. Sous l'empereur Constantin et Théodose, les cultes ont perdu une certaine simplicité, laissant place progressivement aux performances vocales dont la formation des chorales qui s’étaient développées en vue de soutenir la célébration de l'Eucharistie. Cette pratique était en partie influencée par la coutume romaine d'utiliser une musique solennelle lors des cérémonies impériales.

Progressivement, des écoles spéciales ont été créées et les choristes sont devenus une partie intégrante du clergé. La participation congrégationnelle aux chants fut peu à peu reléguée au second plan, tandis que les chorales entraînées étaient chargées de diriger le chant dans l'église. Au fil du temps, cette évolution a conduit à la naissance des chanteurs professionnels au sein de l'église et a éloigné le chant des mains du peuple.

Cependant, un changement significatif s'est produit avec Martin Luther, le réformateur de l'église au XVIe siècle. Luther croyait en la prêtrise universelle, affirmant que chaque croyant était un prêtre. Il remit en question le monopole du clergé sur le chant dans l'église et réclama un retour à la participation active de la congrégation. Il ne supprima pas les chorales, mais redéfinit leur rôle en les chargeant de diriger l'église dans la louange et l'adoration, tout en encourageant la participation de tous les fidèles.

Luther lui-même composa des chants en langue vernaculaire pour faciliter le chant collectif et l'expression de la foi par le peuple. Ces hymnes, tels que "Ein feste Burg ist unser Gott" ("C'est un rempart que notre Dieu"), devinrent des symboles de la Réforme et furent largement adoptés dans les églises protestantes.

Dans les années 1950, l'expérience du chant à l'église a connu une évolution majeure. Auparavant, les chorales utilisaient principalement le piano et l'orgue pour guider la congrégation dans l'adoration collective dans la plupart des églises protestantes. Cependant, à cette époque, de nouveaux instruments ont émergé, accompagnés de nouvelles méthodes de jeu, de chant et de composition.

Dans les années 1960, les pentecôtistes ont rompu avec la tradition de l'hymnologie protestante en introduisant des rythmes et des styles populaires dans leurs chants. Ils ont commencé à inclure des percussions et des instruments à vent dans l'accompagnement musical, et ont composé de petites chansons avec des mélodies et des paroles simples à chanter lors des cultes. C'est à ce moment-là que les groupes de louange, tels qu'ils sont connus aujourd'hui, ont commencé à émerger.

Ces groupes de louange, également appelés "Worship teams", ont apporté un renouveau dans l'expression de l'adoration, en permettant une participation active de la congrégation. Ils ont encouragé une expérience plus dynamique et participative, en utilisant une variété d'instruments et en favorisant des chants accessibles à tous. Cette évolution a ouvert la voie à la musique de louange contemporaine telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Un bref aperçu historique de chant à l’église au Burundi

L’histoire du chant dans l'église est étroitement liée à l'Histoire de l'Eglise elle-même. Au Burundi, les premiers missionnaires qui sont arrivés étaient des baptistes, suivis par les Amis, les anglicans, les méthodistes, les mondiales qui sont devenus plus tard les méthodistes unis et les pentecôtistes.

Les missionnaires comprenaient l'importance du chant dans l'éducation chrétienne au sein de l'église. Ainsi, ceux étaient l’Alliance Chrétienne du Burundi ont collaboré pour écrire des cantiques afin d'aider l'église à exprimer sa croyance à travers les chants. Il convient de signaler que les pentecôtistes ne se sont pas associés aux autres missionnaires pour des raisons que je n'aborderai pas dans cet article. Ils ont apporté avec eux leur propre recueil de cantiques, qui avait été traduit en Swahili au Congo, où ils avaient commencé leur mission. Ce recueil est aujourd'hui connu sous le nom de "Nyimbo za Wokovu".

Les autres missionnaires ont collecté les grands cantiques qui avaient marqué les moments importants du réveil de l'église en Europe et aux États-Unis, d'où ils provenaient. La première impression de ce recueil a été réalisée à Musema en 1946. Les pentecôtistes ont ensuite adopté ce recueil, traduit par les autres missionnaires protestants. Je vous rappelle que mon objectif n’est pas de commenter sur le contenu des chants dans l'Eglise du Burundi. Mon objectif est de donner un aperçu de la forme du chant utilisée au Burundi.

Les missionnaires n’ont pas seulement introduit les cantiques qui devaient être chantés collectivement lors des cultes, mais ils ont aussi permis la création de chorales qui présentaient dans les églises des chants composés localement. Souvent, les chorales ou les individus pouvaient spontanément introduire des chorus, c'est-à-dire des refrains répétitifs, sans couplet. Lorsque vous visitez les églises traditionnelles, leurs cultes sont composés de cantiques appelés "indirimbo za bose" et de présentations de chorales jusqu’aujourd’hui.

Dans les années 1990, les groupes de louange dont j'ai parlé précédemment ont émergé au Burundi, avec notamment Shemeza Music d'Appolinaire Habonimana. Cela a marqué un tournant dans l'église du Burundi, et des groupes de louange ont été créés par la suite dans presque toutes les églises protestantes. Certaines églises ont adopté les groupes de louange, d'autres les chorales, et certaines ont adopté les deux en même temps.

Que dit la Bible à propos du chant dans l'Eglise

Les Africains sont connus pour leur amour du chant dans toutes les occasions de la vie. Il serait plus pertinent d’exprimer ce côté culturel mais dans les limites des enseignements bibliques.

Dans le contexte de l'Eglise, le chant est une activité participative et une expression de talent. Ce que nous faisons ensemble dans l'Eglise reflète ce que nous ferons lors de la consommation de notre salut avec le Christ. Par exemple, dans l'Apocalypse 5-7, l'apôtre Jean voit l'assemblée céleste unie pour louer l'Agneau sur le trône de Dieu. Ainsi, le chant dans l'église devrait être une expérience participative et non passive.

L'apôtre Paul encourage les Éphésiens à s'entretenir mutuellement avec des psaumes, des hymnes et des chants spirituels (Éphésiens 5:19). Lorsque nous chantons dans l'église, notre auditoire principal est Dieu, mais aussi nos frères et sœurs qui sont réunis avec nous. Cela signifie que la musique qui accompagne nos chants doit être équilibrée pour que nos voix puissent être entendues. Nos frères et sœurs en Christ ont besoin d'entendre nos voix, et vice versa de telle façon que dans une symphonie collective, nous racontons l'histoire de notre salut en Christ et notre espérance.

De plus, dans le chapitre 4 de la même épître, Paul exhorte les Éphésiens à se parler mutuellement la vérité, et le chant est l'un des moyens de le faire. Ainsi, selon ces versets, le chant dans l'Eglise est une expérience de toute l'assemblée.

L’appellation ‘’ groupe de louange’’ est-elle Biblique ?

Il est important de souligner que l'appellation "groupe de louange" peut semer la confusion parmi les adorateurs. Bien qu'il puisse y avoir un groupe de personnes responsables de la musique et des chants dans l'église pour conduire les autres dans l'expérience collective de la louange et de l'adoration, il est erroné de les appeler le "groupe de louange". En réalité, le groupe de louange est l'assemblée elle-même. Dans certaines églises qui cherchent à être bibliques, ces groupes de personnes qui dirigent l'adoration collective sont appelés "groupes de musique" afin d'éviter toute confusion parmi les adorateurs.

Conclusion

Le débat entre les chorales et les groupes de louange continue de diviser les églises. Cependant, il est important de comprendre l'évolution du chant dans l'église à travers l'histoire et de considérer ce que la Bible enseigne sur le sujet.

Ce qui importe réellement n'est pas de choisir entre les chorales ou les groupes de louange, mais de favoriser une expérience participative dans l'église, où tous les membres chantent ensemble, et de décourager la domination des instruments de musique sur les voix des personnes.  Bien que certains groupes de personnes puissent être désignés pour guider la musique et les chants dans l'église, il est essentiel de souligner que le groupe de louange est en réalité l'assemblée elle-même.

Références