Le samedi soir, le même ancien de l'église m'a informé que je ne pouvais plus prêcher, car j'étais sujet à une discipline de l’église. J'ai alors demandé quels péchés j’avais commis pouvant occasionner une telle mesure disciplinaire. Il m'a répondu qu'il n'avait pas de détails à ce sujet et que le pasteur me les fournirait ultérieurement.

À ce moment-là, de nombreuses questions ont surgi dans mon esprit : comment l'église peut-elle infliger une discipline sans en informer la personne concernée ? Comment se fait-il qu'un ancien de l'église ne soit pas au courant d'une mesure disciplinaire, au point de confier la prédication à une personne faisant l'objet d'une telle mesure ? L'exercice de la discipline de l’église peut-il se faire secrètement ? Il a fallu que j’attende cinq jours avant d’être informé des accusations portées contre moi et qui ont conduit à cette mesure disciplinaire de l'église.

L'objectif de cet article n'est pas de me justifier, ni de discuter de la légitimité des accusations portées contre moi. Je souhaite plutôt aider les responsables de l'église à utiliser correctement cet instrument précieux de l’exercice de discipline que Dieu a donné à l'église, ainsi qu'aider les membres à bien recevoir avec joie cet acte d'amour de la part de l'église. En outre, je souhaite également montrer les conséquences nuisibles qui peuvent en résulter si l'exercice de la discipline de l’église est abusé.

Les bienfaits de l’application de la discipline de l’église

Malgré les connotations négatives que peut revêtir le terme "discipline", la mise en pratique de la discipline au sein de l'église est une marque d'amour et une action bénéfique à la fois pour l'église et ses membres.

Selon John MacArthur,

la discipline de l'église est l'un des moyens de grâce à la disposition de l’église, afin d'apporter des bénédictions, d'affermir la foi et de favoriser la croissance spirituelle dans la vie de ses fidèles[1].  

Selon Wayne Grudem, l'église devrait cesser de considérer la discipline comme un fardeau pesant imposé par le Seigneur, mais comme un véritable

"moyen de grâce" par lequel de grandes bénédictions peuvent venir à l'église en réconciliant les croyants les uns avec les autres et avec Dieu, en restaurant le frère ou la sœur égaré(e) pour marcher dans l'obéissance, en avertissant tous de "rester dans la crainte", en accroissant la pureté morale dans l'église et en protégeant et en promouvant l'honneur de Christ[2].

Les Bienfaits de la discipline pour l’église

Lorsque la discipline est exercée conformément aux principes bibliques et avec sagesse, elle apporte de nombreux bienfaits à l'église. Elle préserve la pureté de l'église en confrontant les comportements ou les enseignements contraires à la Parole de Dieu, ce qui protège sa réputation et maintient sa mission de représenter fidèlement le caractère de Christ dans le monde.

Comme le souligne Mark Dever,

"La discipline de l'église est un puissant outil d'évangélisation. Les gens remarquent lorsque nos vies sont différentes, surtout lorsqu'il y a toute une communauté de personnes dont les vies sont différentes"[3].

Lorsque l'église exerce la discipline de manière juste et aimante, cela témoigne de son sérieux envers la sainteté et montre aux non-croyants l'amour de Dieu et sa volonté de restaurer les personnes dans la vérité.

La discipline aide également à protéger le corps de Christ des influences néfastes. Lorsqu'une personne persiste dans un péché grave ou une fausse doctrine, il est nécessaire d'intervenir pour éviter la propagation du péché ou du mal au sein de l'église.

En commentant 1 Timothée 5 :20, Mark Dever affirme que

les personnes qui commettent des péchés graves devraient être publiquement mises en garde afin que les autres en soient avertis et prennent conscience de la gravité du péché[4].

De plus, la discipline offre à tous les membres de l'église une occasion d'apprentissage et de croissance spirituelle.

En observant les conséquences des erreurs et des péchés, les membres sont amenés à examiner leur propre conduite, à renouveler leur engagement envers Dieu et à cultiver une plus grande sensibilité dans leur marche spirituelle. Confronter le péché sert de témoignage à tous qu'il existe un jour de jugement final qui approche et qu'il est crucial de traiter notre péché aujourd'hui, avant qu'il ne soit trop tard (1 Corinthiens 5:1-13)[5]

Les bienfaits de la discipline pour la personne concernée

La discipline de l’église apporte également des bienfaits à la personne concernée. Tout d'abord, la discipline offre une opportunité de repentance et de transformation. Lorsque quelqu'un commet des péchés ou s'égare dans sa conduite, la discipline lui permet de prendre conscience de ses actions, de reconnaître son besoin de repentance et de se tourner vers Dieu pour trouver le pardon et la restauration. Dans 1 Corinthiens 5 :1-5, Dieu réprimande l'église de Corinthe pour ne pas prendre soin d'un frère en péché scandaleux, en le soumettant à la discipline afin que, le jour du Seigneur, il puisse être sauvé.

De plus, la discipline témoigne de l'amour de l'église envers la personne concernée. Hébreux 12:6 nous enseigne que Dieu discipline ceux qu'Il aime. De la même manière, l'Église, qui est appelée à représenter Dieu, doit discipliner ses membres égarés. Lorsque l'Église exerce sa discipline envers un membre, c'est une manière de lui signifier: "Nous t'aimons, nous veillons sur toi, nous ne voulons pas que tu sois exposé au danger de la destruction."

Par conséquent, les chrétiens devraient accueillir la discipline avec joie, même si elle peut être amère. Ils devraient comprendre que l'amour disciplinaire de l'Église est une preuve tangible de l'amour de Dieu pour eux et de Son désir de les amener à la repentance, à la restauration et à une vie conforme à Sa volonté.

Les étapes à suivre pour exercer la disciple au sein de l’église.

Les étapes à suivre pour exercer la discipline au sein de l'église sont décrites dans le chapitre 18:15-17 de l'Évangile selon Matthieu. D'après Jeannine K. Brown, pour comprendre ce que Jésus dit sur la discipline de l'église, il est important de prendre en compte ce qu'Il enseigne dans les versets précédents[6].

Dans les versets 1 à 14, Jésus enseigne que l'humilité est une caractéristique essentielle de Son royaume, et en tant que disciples, nous sommes appelés à nous approcher de Lui avec humilité, comme des enfants. Cette humilité devrait également façonner nos interactions les uns avec les autres au sein de l'église, en veillant à ne pas devenir une occasion de chute pour les autres. Plutôt que d'être durs ou méprisants envers les croyants qui luttent avec le péché, nous devons refléter le cœur de Dieu, qui recherche avec amour les perdus et les égarés.

Après avoir établi ces principes, Jésus se concentre sur la manière dont la discipline devrait être appliquée au sein de l'église dans les versets 15 à 17.

Étape 1 : La confrontation privée

"Si ton frère a péché, va et reprends-le seul à seul" (15)

La première étape consiste à aborder la personne en privé, dans un esprit d'amour et de réconciliation. L'objectif est de résoudre le problème de manière discrète, sans diffamation ni jugement. Selon J. Garrett Kell, c'est la personne qui a été offensée ou qui est au courant du péché qui doit personnellement poursuivre la personne qui a commis le péché[7].  Si la personne reconnaît son péché et se repent, les étapes suivantes ne sont pas nécessaires.

Étape 2 : La confrontation en présence de témoins

"Mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes" (18 :16)

Si la personne ne répond pas positivement à la première confrontation, il est recommandé de s'entourer de quelques témoins de confiance pour témoigner de la situation et encourager la réconciliation.  

J. Garrett Kell suggère que ces témoins soient des leaders spirituels de la personne, tels que des anciens de l'église ou des responsables du groupe auquel la personne appartient[8]. Si la personne prend conscience de son péché et se repent, le processus s'arrête à ce stade, et les personnes qui ont été informées de ces péchés gardent le secret.

Étape 3 : La confrontation devant l'église

"Et s'il refuse de les écouter, dis-le à l'église" (17a)

Si les étapes précédentes n'aboutissent pas à une résolution, la situation doit être portée à l'attention de l'église locale. Dieu utilise l'église en tant que messager final de la miséricorde envers cette brebis égarée[9].

À ce stade, les personnes qui ont été au courant des péchés de cette personne, ainsi que les témoins, communiquent les détails à l'église. L'objectif est d'impliquer la communauté chrétienne pour soutenir et conseiller la personne en question. En partageant ces informations avec l'église, on invite les frères et sœurs en Christ à se rassembler autour de cette personne, à lui offrir leur soutien et à lui prodiguer des conseils bibliques et bienveillants.

Cette étape de l'implication de la communauté chrétienne est essentielle pour créer un environnement d'amour, de soins et de soutien dans le processus de discipline. Il est important de souligner que cette étape ne se déroule pas lors du culte régulier de dimanche, mais plutôt lors d'une réunion spécifiquement organisée à cet effet. Cette réunion est réservée aux membres de l'église seulement, afin de préserver la confidentialité et de permettre des échanges ouverts et sincères.

Étape 4 : La dissociation de la communion de l'église

"Et s'il refuse d'écouter même l'église, qu'il soit pour toi comme un païen et un collecteur d'impôts" (17b)

Si la personne persiste dans son péché et rejette les tentatives de réconciliation, l'église peut prendre la décision de l’ écarter de la communion dans l'espoir de susciter une prise de conscience et une repentance. Cela ne signifie pas que la personne ne peut plus venir à l'église, mais cela signifie qu'elle ne doit plus être considérée comme un croyant. Les chrétiens sont toujours appelés à l’aimer, non pas comme un frère, mais de la même manière que Jésus aime les pécheurs.

Tout ce que l'église entreprend vise effectivement la restauration et la repentance de la personne, plutôt que son humiliation et sa punition. C'est pourquoi les étapes mentionnées précédemment doivent être entreprises avec amour, grâce et miséricorde. L'objectif ultime est de restaurer la personne concernée dans sa relation avec Dieu et avec la communauté des croyants.

Les conséquences de l'abus de la discipline de l’église

Lorsqu'il cite H.E. Dana, Mark Dever affirme que l'abus de la discipline est répréhensible et destructeur, et qu'il est même pire que l'abandon total de la discipline. Selon lui, la pratique de la discipline ecclésiale a été abusée au cours de deux générations passées d'églises[10].

En observant notre époque actuelle, il est évident que la discipline de l'église continue d'être abusée et que les principes bibliques ne sont pas souvent respectés.  Cet abus de la discipline crée des divisions au sein de l'église. La discipline perd ainsi son véritable sens en tant que moyen de grâce offert par Dieu à l'église pour apporter bénédiction, et devient un moyen d'éliminer ceux qui divergent avec le leadership de l'église ou posent des questions difficiles. Cette dérive entraîne la malédiction et la tiédeur de l'église.

Les personnes concernées par la mesure disciplinaire perdent alors le sentiment d'appartenance à l'église. Elles ne voient plus les responsables de l'église et les membres comme des frères et des sœurs qui les aiment, prient pour elles et prennent soin d'elles, mais plutôt comme des ennemis cherchant à leur nuire. Les conséquences de cet abus de la discipline sont profondes, car cela érode la confiance, compromet la communion et crée un climat de méfiance et de désunion.

En conclusion

Il est donc primordial de veiller à ce que la discipline de l'église soit mise en pratique avec sagesse, dans le respect des principes bibliques, afin de préserver l'unité et de restaurer les brebis égarées.

Lorsqu'elle est exercée dans un esprit d'amour, de grâce et de restauration, elle a le pouvoir de rétablir la santé spirituelle et de favoriser la croissance de l'ensemble du corps de Christ. Cependant, il convient de souligner que son application doit être guidée par les fondements bibliques de l'amour, de la grâce et de la miséricorde.

Ainsi, elle doit être entreprise avec humilité, discernement et dans un esprit de réconciliation, avec l’objectif ultime de restaurer les individus et de préserver l'unité de l'église. Toutefois, il est crucial de noter que l'absence de ces principes fondamentaux lors de l'application de la discipline peut entraîner des dommages et aller à l'encontre de l'amour de Christ.

[1] John Macarthur, Richard Mayhue, a systematic summary of bible truth, crossway 2017 page 780

[2] Wayne Grudem, Systematic Theology: An Introduction to Biblical, IVP 2016 page 957

[3] Mark Dever , Nine Marks of health church foreword by David Platt Crossway 2013 page 202

[4] Mark Dever , Nine Marks of health church page 201

[5] J. Garrett Kell, Church do I have to God? 9marks page 54

[6] Jeannine K Brown, teach the text, commentary series, Bakerbooks 2007 page 209

[7] J. Garrett Kell, Church do I have to God? 9marks page 126

[8] J. Garrett Kell, Church do I have to God? 9marks page 129

[9] J. Garrett Kell, Church do I have to God? 9marks page 129

[10] Mark Dever , Nine Marks of health church page 191

Les Références