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Le mandat culturel du croyant et le patriotisme chrétien

Regard sur le manifeste du Festival Burundi Himbaza

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Seul l’Evangile engendre des adorateurs

22 Juillet 2023

Les festivals de Burundi Himbaza ont eu lieu sous l’égide de Shemeza Music Ministry. La mission de ce dernier est très claire : restaurer la tente de David. Mon premier article sur la première Edition du dit festival a creusé un peu sur le revivalisme burundais et les aspirations de Himbaza Festival.

La vision derrière Burundi Himbaza s’éclaircit peu à peu. Lors du Fest Burundi Himbaza 2023, il semblerait que le plaidoyer pour une culture d’adoration valorisant notre langue et culture ait été l’emphase de prédilection.  Au moins, un des objectifs clés a été rendu explicite : encourager le public burundais à valoriser le Gospel produit en kirundi ; du même coup, sauvegarder le patrimoine national. Dans cet article je reviendrai sur le patriotisme chrétien en relation avec le mandat culturel du croyant.

Le patriotisme chrétien

On peut définir le patriotisme en termes plus simples comme étant une affection spéciale pour sa patrie. Le qualificatif chrétien est là pour suggérer qu’un chrétien exprime son patriotisme en relation avec son allégeance à Christ et son amour suprême envers Dieu. Ceci crée une ambivalence qu’un chrétien apprend progressivement à dompter mais qui peut parfois déboucher en une contradiction ouverte entre ses valeurs bibliques et les idéaux de son pays, ainsi que les éléments de sa culture  qui ne collent pas avec l’Évangile.

Je connais deux auteurs qui peuvent nous aider à mieux vivre cette ambivalence. C.S. Lewis et Bernard de Clairvaux.

Bernard de Clairvaux est connu pour avoir parlé des quatre degrés de l’amour. J’aime m’y mesurer pour savoir si mes autres amours sont bien alignés. Il nous dit : au premier, l'homme s'aime lui-même ; au second, il aime Dieu pour soi ; au troisième, il aime Dieu pour Lui ; au quatrième, il ne s'aime plus soi-même que pour Dieu.
Le patriotisme est partie intégrante de ‘soi’ car il s’agit de mon pays, ma langue, ma culture, et la question est de savoir si nous aimons notre pays pour Dieu

Quand un chrétien aime son pays, ce n’est ni pour affirmer sa suprématie culturelle, ni pour se comparer et entrer en compétitions avec le reste du monde. Il ne lui est pas permis d’être partisan d’un nationalisme aveugle qui prône la haine, la rivalité, la vengeance, le mépris des autres. Il est bien conscient que sa culture est teintée de péché, que son peuple a besoin de la miséricorde divine. Il intercède pour ses compatriotes auprès d’un Dieu saint qui ne tolère aucune injustice, aucune fraude, aucune malice.

Ce qu’il souhaite pour son peuple au-dessus de tout c’est ce qui est meilleur pour tout être humain : le salut de l’âme, et non pas juste une prospérité matérielle ou une émergence économique qui place sa nation sur la table des grands. Tant qu’il voit le péché gagner du terrain il dit avec Paul « j’éprouve une grande tristesse et j’ai dans le cœur un chagrin continuel. »  C’est pour Dieu qu’il doit aimer son pays. C’est pour Dieu que nous devons aimer le nôtre.

C.S. Lewis, un philosophe chrétien anglais, parle aussi de quatre amours, sous un angle un peu différent. Si on se réfère à son livre four loves, l’amour de la patrie tomberait dans la catégorie de Storge. Et le problème est de savoir si notre amour pour Dieu, l’Agape, dirige les autres amours dont storge.

Être chrétien veut aussi dire vivre comme étrangers et voyageurs sur la terre. 1Pi 2 :11 C’est pouvoir affirmer avec Paul « mais notre cité a nous est dans les cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus Christ Phil 3 :20

Ceci ne nous empêche pas d’être fier de notre pays, ni d’apprécier les bonnes choses de notre culture qui sont des dons de la part de Dieu. Ça ne nous dispense pas non plus de la responsabilité d’accomplir notre mandat culturel auquel je reviens en quelques instants.  Il est normal de se sentir plus proche de nos concitoyens, d’aimer une culture qui nous sert d’identification unique.

Mais en même temps, nos cœurs languissent pour un monde meilleur, un monde parfait où règnera justice, paix, prospérité et droiture, un pays où tout le monde et toute chose seront soumis à un monarque unique, omnipotent, saint, bienveillant et sage. Ce rêve ne peut jamais être réalisé ici-bas. Tandis que nous chérissons notre patrie, apprécions ses progrès et fournissons nous-mêmes des efforts pour un Burundi meilleur, nos yeux restent fixés vers le ciel… et affirmons comme Pierre « nous attendons de nouveaux cieux, et une nouvelle terre, où la justice habitera 2Pi 3 :13

Le mandat culturel ou la grande commission ?

Le langage de Himbaza festival alterne entre la grande commission et le mandat culturel, entre le réveil et le patriotisme chrétien.  L’histoire nous dira vers où la balance va pencher. Permettez-moi de définir les termes et de dire d’emblée que les deux font partie de notre vocation bien que l’une ait de la primauté sur l’autre pour le croyant. Selon Gospel Coalition,

  • Le mandat culturel est le commandement d'exercer la domination sur la terre, de la soumettre et de développer son potentiel latent (Gen. 1 :26-28 ; cf. Gen 2 :15). Dieu appelle tous les humains, comme ceux créés à son image, à remplir la terre de sa gloire en créant ce que nous appelons communément la culture.
  • Le mandat culturel est donné à tous. Dans Genèse 1 :26-28, il est donné à Adam et Eve en tant que personnes uniques et en tant que représentants de toute l'humanité. Dans Genèse 9 : 1, il est donné à Noé en tant que représentant de toute l'humanité.
  • Par conséquent, le mandat culturel n'est pas seulement pour le peuple de Dieu. De plus, ce n'est pas uniquement lié à l'évangile ou à la grande commission (Matthieu 28 : 18-20), qui est un mandat distinct donné au peuple de Dieu seul.
  • Cela dit, seul le vrai peuple de Dieu (l'Église) sera en mesure de remplir le mandat culturel tel qu'il était prévu, selon le désir de rendre gloire à Dieu.
  • La priorité de la proclamation de l’Évangile

    Pendant le concert VIP, qui a eu lieu le 09 Juillet le visionnaire et architecte du Festival a posé une question très pertinente pendant son discours : A quoi ressemblera le Burundi quand le rêve de Burundi Himbaza sera devenu réalité ? Heureusement qu’il y a répondu lui-même. Je paraphrase :

    « Quand chaque burundais, indépendamment de sa religion servira son prochain\son pays dans l’excellence et avec la valeur d’Ubuntu de telle façon que ceux qui sont autour loueront Dieu. »

    Quand Mbonimpa, la MC s’est faite interprète de la vision, elle y a ajouté de clarté, s’exprimant avec beaucoup de charisme : « démontrons l’excellence dans chaque chose que nous faisons de telle façon que la gloire de Dieu soit rendue manifeste et amène les autres nations à reconnaitre que Dieu est au milieu de nous. » Elle eut droit à des acclamations!

    J’ai cru comprendre que si chaque burundais faisait son travail avec excellence alors il serait en train d’adorer et amènerait les autres à adorer et ainsi le rêve de Burundi Himbaza deviendrait réalité. J’ai failli lever le petit doigt comme un élève pour demander : « c’est tout ? ». Puis je me suis dit « mais après tout, la bible ne nous exhorte-t-elle pas de démontrer des bonnes œuvres pour que ceux qui les voient puissent glorifier Dieu ? » Mt 5.16

    J’ai cependant gardé le sentiment que le manifeste du festival a besoin d’être peint en couleurs plus claires.  Si l’expression « louer Dieu », est appliquée à ceux qui ont vu nos œuvres, c’est seulement de manière très générique. Ça ne signifie pas qu’ils sont devenus des adorateurs au sens strict du terme. Nul ne peut nier que la culture d’excellence révèle la gloire de Dieu, l’Excellent et parfait Artisan de l’univers. Mais en soi, ce genre de révélation ne produit pas d’adorateurs. Pour mieux comprendre, une nuance mérite d’être soulignée entre révélation générale et spéciale et la relation entre les deux.

    La révélation générale et la révélation spéciale sont les deux moyens employés par Dieu pour se révéler à l’humanité

    Psaume 19.1-4 déclare : « Le ciel raconte la gloire de Dieu et l’étendue révèle l’œuvre de ses mains. Le jour en instruit un autre jour, la nuit en donne connaissance à une autre nuit. Ce n’est pas un langage, ce ne sont pas des paroles, on n’entend pas leur son. Cependant, leur voix parcourt toute la terre, leurs discours vont jusqu’aux extrémités du monde. » D’après ce passage, l’observation de l’univers prouve clairement l’existence et la puissance de Dieu. L’ordre, la complexité et les merveilles de la création témoignent de l’existence d’un Créateur puissant et glorieux.

    Romains 1.20 parle également de la révélation générale : « En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient depuis la création du monde, elles se comprennent par ce qu’il a fait. Ils sont donc inexcusables. » Comme le Psaume 19, Romains 1.20 enseigne que la puissance éternelle et la nature divine de Dieu « se voient » et « se comprennent » par ce qu’il a fait et que les hommes n’ont donc aucune excuse pour les nier. En se fondant sur ces passages, on pourrait définir la révélation générale comme « la révélation de Dieu à tous les hommes, de tous temps, en tous lieux, qui prouve que Dieu existe et qu’il est intelligent, puissant et transcendant ».

    La révélation spéciale concerne les vérités plus spécifiques sur Dieu qui peuvent être comprises par le surnaturel.

    La révélation de Dieu dans sa Parole, la Bible, est une forme particulièrement importante de la révélation spéciale. Dieu a miraculeusement conduit les auteurs des Écritures pour qu’ils rapportent correctement son message à l’humanité, tout en conservant leur propre style et personnalité. La Parole de Dieu est vivante et efficace (Hébreux 4.12), inspirée, utile et suffisante (2 Timothée 3.16-17). Dieu a décidé de faire conserver à l’écrit les vérités qu’il nous a révélées, car il était conscient des risques d’inexactitude et du manque de fiabilité de la tradition orale. Il savait aussi que les rêves et les visions pouvaient être mal interprétés. Il a choisi de révéler dans la Bible tout ce que l’humanité doit savoir à son sujet, ce qu’il attend de nous et ce qu’il a fait pour nous

    La révélation particulière ultime est la personne de Jésus-Christ. Dieu est devenu homme (Jean 1.1, 14). Hébreux 1.1-3 résume cela parfaitement : « Après avoir autrefois, à de nombreuses reprises et de bien des manières, parlé à nos ancêtres par les prophètes, Dieu, dans ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils. […] Le Fils est le reflet de sa gloire et l’expression de sa personne. » En la personne de Jésus-Christ, Dieu est devenu un être humain, pour s’identifier à nous, être un modèle pour nous, nous enseigner, se révéler à nous et, surtout, pourvoir à notre salut en s’humiliant lui-même jusqu’à la mort sur la croix (Philippiens 2.6-8). Jésus-Christ est l’ultime « révélation spéciale » de Dieu.

    L'obscurité de la révélation générale que nous expérimentons n'est pas seulement due au fait qu'il faut du temps, des efforts et de la maturité pour comprendre la révélation de Dieu dans la nature ; c'est aussi à cause de la Chute. À cause de notre rébellion supprimant la vérité, dans notre état naturel, nous sommes sourds à la voix de Dieu et aveugles à sa beauté. Encore une fois, Romains 1 : même si nous connaissons Dieu (par la nature), nous supprimons ce que nous savons et nous refusons d'honorer Dieu en tant que Dieu et de lui rendre grâce (Rom. 1 : 21). Le Saint-Esprit rend la vue à l'homme par la nouvelle naissance au moyen d'une révélation spéciale. Ou, selon les mots du Psaume 19, c'est la loi du Seigneur qui ravive l'âme et éclaire l'œil.

    La révélation générale suffit à nous condamner. L'autorité et la clarté de la révélation générale nous laissent sans excuse. Mais ce n'est pas suffisant pour nous sauver.

    Seule la révélation spéciale suffit à sauver, puisque par elle seule, Dieu provoque la nouvelle naissance. Il nous a fait naître de nouveau par la Parole vivante et permanente de Dieu (1 Pierre 1 :23).

    C’est pourquoi nous encourageons qu’un Évangile explicite soit, non aux périphéries de ces évènements mais au centre même de la vision de Burundi Himbaza. Car seul l’Evangile peut engendrer des adorateurs.

    Que deviendra Burundi Himbaza?

    L’article d’aujourd’hui se termine par un questionnement : Burundi Himbaza, saura-t-il garder l’équilibre entre aspiration revivaliste, et engagement socio-culturel ? un équilibre entre passion evangelique et patriotisme ? Saura-t-il réconcilier une ambition de gagner les âmes pour Christ et le souci de voir notre pays s’élever de l’abime de la pauvreté et briser le cycle vicieux qui nous a longtemps maintenu dans la médiocrité ?

    L’avenir nous le dira !

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    NIKIZA Jean-Apôtre est un Pasteur qui exerce son ministère depuis la ville de Bujumbura. Il est marié à Arielle T. NIKIZA et ensemble, ils sont pionniers du Mouvement des Hédonistes Chrétiens, Sa Bannière depuis 2015. Ils sont aussi co-fondateurs de Little Flock Ministries. La spiritualité chrétienne et le Renouveau spirituel de l’Eglise restent les grandes marques de leur appel commun. Les moments de loisirs de NIKIZA J-A incluent les films, la
    musique,le Basketball et un bon sommeil.

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