Je pense que Mbonyi est un jeune homme, poussé par un profond sens d’appel personnel. Son histoire est fascinante. Il est pratiquement sorti de l’ombre pour avoir un puissant ministère des chants. Il est presque impossible de ne pas reconnaitre la main de Dieu derrière son ministère.  Ses imperfections n’ont pas empêché à Dieu de se servir de lui. C’est ce qu’il fait d’ailleurs avec chacun de nous. Néanmoins, certaines erreurs, si elles ne sont pas corrigées, deviennent à long terme des pierres d’achoppement qui réduisent le vrai impact spirituel. L’impact qui a une valeur éternelle est notamment fondée sur la vérité biblique. C’est justement ma grande préoccupation dans cet article.

AMARASO

“Ubwiza n’Ubumana yikuyeho…”

Amaraso est l’une des toutes premières chansons dans le premier album qui a permis à Mbonyi de prendre de l’envol dans la carrière. Sur le plan musical, tout a l’air d’un débutant. C’était avant qu’il rencontre les musiciens burundais de grand talent basés à Kigali qui désormais vont introduire le jeune Mbonyi à une musique plus moderne. Dans cette chanson Mbonyi prétend que Jésus se serait dépouillé de Sa Divinité afin de nous sauver. Ceci est non seulement une aberration doctrinale importante mais aussi une contradiction. Jésus ne pouvait nous sauver qu’en tant que Dieu pleinement et Homme pleinement. S’il était dépouillé de Sa divinité afin de nous sauver alors, nous ne serions pas encore sauvés. Dans cet article en langue locale, j’explique pourquoi Jésus devait être pleinement Dieu et pleinement Homme pour que son œuvre du Salut soit parfait.

Une des causes de cette aberration est une fausse et superficielle lecture de Philippiens 2 :6-8. Ce passage n’enseigne pas que Jésus s’est dépouillé de Sa divinité.  Découvrez ici la bonne interprétation de ce passage

Ce passage signifie que Jésus a quitté la gloire des cieux, renonce à l’éclat de son rayonnement divin, s’est soumis aux limites de la nature humaine, refusant de recourir à certains de ses attributs. Tout en demeurant Dieu, il a renoncé à un libre et indépendant exercice de ses prérogatives divines afin de se subordonner volontairement et joyeusement à la volonté de Son Père.

Je pense qu’une autre raison pour laquelle nous faisons de telles erreurs doctrinales surtout en Afrique, est que nous grandissons dans un contexte des églises qui manquent d’adhésion à une confession de foi historique qui fixe certaines limites doctrinales d’avance. Mbonyi, comme la plupart d’entre nous, a besoin de relire le Symbole d’Athanase :

Il est nécessaire au salut éternel de croire fidèlement aussi à l'Incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. Il est donc d'une foi droite que nous croyions et confessions que notre Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu est Dieu et homme. Il est Dieu, engendré de la substance du Père avant les siècles ; et il est homme, né dans le temps de la substance d'une mère. Dieu parfait et homme parfait, consistant dans une âme raisonnable et une chair humaine. Égal au Père selon sa divinité, inférieur au Père selon son humanité. Et qui, bien que Dieu et homme, n'est pas deux, mais un seul Christ. Un, non par un changement de la divinité en chair, mais par l'assomption de l'humanité en Dieu. Un tout-à-fait, non par le mélange de la substance, mais par l'unité de la personne : car de même que l'âme raisonnable et la chair ne sont qu'un seul homme, de même Dieu et l'homme ne sont qu'un seul Christ, qui a souffert pour notre salut, est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, siège à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts

KUMIGEZI

Depuis les Melodians, aux Boney M, en passant par Bob Marley, le psaume 139 a longtemps fasciné les artistes. Ce psaume classique a été mis en mélodie moderne pour servir à différents objectifs et idéaux : tantôt la quête d’une libération politique, tantôt la soif d’une révolution sociale ou l’aspiration au rêve d’un réveil spirituel. On se demande rarement quel serait le sens originel que son auteur aurait voulu qu’on lui accorde.

Quand Mbonyi reprend ce psaume dans sa chanson devenue vite un Hit, Il la remplit de tellement d’imageries et métaphores. Sincèrement, parlons franc ! Avez-vous déjà essayé d’arrêter de chanter et juste lire doucement ce texte. Si vous l’avez fait, dites-moi quel sens Mbonyi essaie de donner à ce psaume. Parle-t-il d’Israël, de l’Eglise dans le Nouveau Testament, ou alors fait-il allusion à l’histoire de son peuple des Banyamulenge sans vouloir être explicite ! Dans son deuxième couplet, il mentionne l’ingratitude de ceux qui ont été libérés d’exil, puis il dit « Birengagije za ndahiro barahiye Ubwo bari mw'ishyamba ry' ikibira ». Peut-être que vous êtes plus renseignés que moi ! Quel est ce peuple qui a conclu l’alliance dans la foret. En tout cas ce n’est pas Israël car il l’a conclu sous le mont Sinaï. Ce n’est pas non plus l’Eglise qui elle, est sous l’alliance en Jésus Christ, mort à la croix au Mont Golgotha !

Mais avouons-le ! Les africains aiment ce genre de langage imagé et mystérieux. Dans certains cas, ça peut être une force, dans d’autres cas, ça peut s’avérer être une grande stupidité. Mbonyi mystifie souvent ses lyrics, et on se demande s’il le fait juste pour paraitre original, ou s’il essaie de coder un message que seuls les initiés peuvent comprendre. Le problème est que quand les imageries sont mal utilisées, elles rendent le message flou, inintelligible et sujet aux diverses interprétations capricieuses.

URWO RUTARE

Les chansons de Mbonyi sont parsemées de versets bibliques ici et là. C’est une bonne chose en soi et je crois que c’est une de ses forces. Malheureusement ce qui rend biblique une composition n’est pas juste ça. Il faut que les versets cités soient appliqués dans leur contexte. Ce qui n’est pas toujours le cas chez Mbonyi.

Dans cette chanson représentative, il cite au moins sept passages bibliques dans le but de nous encourager. Mais les versets sont malheureusement mal appliqués. Quand c’est le cas, je suis désolé de dire que malgré nos bonnes intentions, ce n’est plus Dieu qui encourage les gens mais juste nous, juste Mbonyi… Car Dieu ne peut agir en contradiction avec Sa Parole.

La chanson URWO RUTARE gravite autour des paroles que Jésus a dites à Pierre dans Matthieu 16 :18-19 « moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur ce roc je bâtirai mon Eglise, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle.

La compréhension évangélique de ces paroles de Jésus a toujours différé de celle de l’Eglise catholique qui voit en l’apôtre pierre cette roche sur laquelle Christ bâtit son Eglise ainsi que ses successeurs qui sont des papes. Le consensus évangélique a été que la confession de Pierre sur l’identité de Christ, suite à une révélation divine, est la roche sur laquelle l’Eglise est bâtie. La pierre ne peut pas représenter une personne mais la révélation de Jésus, Son identité et de Son œuvre.

Mbonyi s’approprie de ces paroles et espère nous convaincre que nous sommes cette pierre sur laquelle Dieu va bâtir son œuvre…Non Monsieur Mbonyi, aucun d’entre nous n’est cette pierre. Je doute qu’une Eglise ou quelconque ministère, bâtis sur nous puisse durer plus longtemps que la rosée.

Parmi les versets qu’il cite figure la promesse abrahamique de Genèse 12 qui est souvent mal appliqué par les prédicateurs du faux Evangile de la prospérité afin de revendiquer santé et richesse. J’ai déjà parlé du triple accomplissement de la promesse Abrahamique ici.

Le texte de cette chanson repose sur une dangereuse eisegèse qu’il faut à tout prix éviter et dénoncer.

ICYAMBU

Nos cœurs sont désespérément tordus. Même quand nous essayons d’exprimer la gratitude envers Dieu, ça débouche souvent à des sentiments anthropocentriques « centrés sur nous-mêmes ». Icyambu aurait pu devenir une très belle chanson qui exalte le Dieu qui s’est réconcilié avec nous en Jésus Christ, notre Icyambu « pont » et qui nous envoie dans le monde en tant que messagers de la bonne nouvelle de Jésus Christ, le Pont du Salut.

Les chansons qui ont une ferveur missionnaire sont très lacunaires dans nos recueils contemporains. Icyambu aurait pu être un écho passionnant d’une âme qui déborde de passion pour Christ et qui a hâte d’annoncer la bonne nouvelle de Sa mort et de Sa résurrection. Un rapide travail de comparaison entre le texte d’Icyambu et les lyrics bibliques de la chanson missionnaire Jusqu’au bout, va vite révéler un gros fossé.

Le problème principal dans cette chanson est que nulle part Mbonyi ne spécifie qu’il s’agit bien de la Croix qui est devenue notre pont de réconciliation. Bien sûr qu’il cite les paroles de Jésus aux pécheurs galiléens « suivez-moi je ferai de vous pécheurs d’hommes ». Mais nous savons que la mission des Douze, témoins de la résurrection, était de prêcher la repentance et la rémission des péchés au nom de Jésus. Mbonyi mentionne à peine ces vérités cardinales. Sans doute que ses fans vont comprendre Icyambu dans le même sens de l’autre chanson quand il dit « Yesu ninkoni yanje ngenderako, ninca mubikomeye mwambukiraho ».  Dieu est donc un pont qui nous permet de traverser les problèmes de la vie et ensuite fait de nous des solutions pour que les autres prospèrent aussi. N’est-ce pas très anthropocentrique !

BAHO

BAHO, est presque devenu un hashtag dans les milieux chrétiens. Elle s’inspire des paroles d’Ezéchiel 37. Comme pour la plupart d’autres chansons, Mbonyi les personnifie et les applique à lui-même et à son audience de façon qui soit un peu douteuse.

Ezéchiel est un prophète qui prophétise pendant qu’il est en exil. Il appartient au groupe des exilés qui ont été déportés quand les chaldéens sont revenus pour la deuxième fois en 597 avant Jésus Christ. Ezéchiel a des visions alors qu’il est dans le camp des réfugiés au fleuve Kebar. Bientôt Israël perdra tout espoir d’exister en tant que nation à cause de ses péchés et le jugement de Dieu qui s’abattra sur lui. Mais le prophète ne voit pas que le malheur. Il perçoit également que Dieu finira pour ramener à la vie Israël, mais ça sera grâce à la Parole de Dieu et à l’œuvre du Saint Esprit qui va les ranimer.

Ce chapitre peut être appliqué au moins de quatre façons :

Il est difficile de voir dans quel sens Mbonyi applique ce chapitre et ceux qui chantent BAHO, qu’ils soient convertis ou non, ne retiendront que la note enthousiasmante, motivante mais vague de la chanson.

Conclusion

Nous devons tous porter la responsabilité personnelle pour nos erreurs. Néanmoins certains manquements ont un aspect collectif car notre atmosphère spirituelle et ecclésiastique ambiante nous influence. Dans cet article, j’ai mentionné des choses, qui au-delà du ministère de Mbonyi sont des maux collectifs de notre contexte. Dans un sens, les erreurs que Mbonyi reproduisent dans ses chansons sont un reflet d’un christianisme biblique en crise dans notre contexte. Elles sont un miroir d’une religion à l’agonie et en besoin d’une nouvelle réforme biblique et un renouveau spirituel authentique.

Cet article ne manquera pas de choquer. Ma brève et humble défense est ainsi formulée : Puisque les chansons de Mbonyi jouissent désormais d’un usage public assez répandu, il m’incombe de corriger publiquement les failles afin de contribuer au discernement collectif. J’espère avoir atteint au moins partiellement mon objectif.  Que Dieu me vienne en aide.