Une histoire d’amour qui finit mal

Les Baptistes forment le groupe protestant le plus large aux Etats Unis. Saddleback constituait la plus grande Eglise de la Southern Baptist Convention. La famille de Rick Warren en fait partie d’ailleurs depuis déjà quatre générations. Cette belle histoire d’amour vient de mal terminer. Malgré celle longue appartenance traditionnelle, le célèbre auteur de Purpose Driven Life n’était pas heureux dans cette famille depuis quelques années.

Il avait fondé Saddleback en 1980, et elle avait grandi pour devenir une Mega church de plus de cinquante milles membres dont plus de vingt milles  impliqués activement dans la vie de l’Eglise. Mais les textes officiels régulant la foi et la doctrine des églises appartenant à la SBC ont évolué pour devenir très conservateurs sur la question des femmes dans le ministère. 

Par exemple en 1984, Foi et Message disait que les femmes ne devraient pas assumer un rôle d’autorité sur les hommes pendant le culte public. L’amendement de 2000 se voulait plus explicite et voici la formulation : L’office du pasteur est limité aux hommes qualifiés selon les Ecritures. Récemment, après l’expulsion de Rick Warren, Foi et Message fut de nouveau amendé. Afin d’éviter que les femmes portent ce titre de pasteur par rapport au ministère qu’ils dirigent comme pasteur des enfants, pasteur des jeunes, Foi et Message précise que les églises doivent nommer seulement les hommes à tout genre de pastorat ou ancien.

Pendant tout ce temps, Rick Warren avait changé d’avis sur le rôle des femmes dans le ministère. Son malaise ne cessait de croitre face à ces formulations doctrinales de SBC.  Rick Warren souhaitait que Saddleback suive une trajectoire différente, et espérer peut être influencer toute la convention de Baptistes du Sud. En tout cas, il était déterminé à provoquer un débat.

Déjà en 2021 Rick Warren avait suscité le courroux des ultra conservateurs au sein de la SBC quand il avait ordonné au pastorat au moins trois femmes. Même si ces dernières étaient ordonnées non pas en tant que pasteurs principaux. Mais la goutte qui fit déborder le vase fut la nomination du couple d’Andy et Stacie pour succéder au couple de Rick Warren et Kay qui allait partir en retraite. Andy serait le pasteur principal alors que Stacy succèderait à Rick Warren comme pasteur-enseignant. Le comité exécutif de SBC ne pouvait tolérer ce défi ouvert à l’ecclésiologie baptiste et la décision de l’expulser fut prise en Février.

Rick Warren savait que la plus grande réunion de l’année allait avoir lieu en Juin. Il savait que plus de dix milles messagers, représentants des églises baptistes seront présents.  Il demanda un recours pour qu’il ait l’occasion de faire entendre sa voix. En Juin, 88% de ceux qui étaient présents votèrent en faveur de la décision qui avait été déjà prise par le comité exécutif de SBC.

Rick Warren s’y attendait. Mais pour lui, le chemin vers le changement venait de commencer. Sa prédiction fut : la génération suivante des baptistes du Sud enlèvera un jour des interdictions au ministère des femmes, car la vérité finit toujours par triompher sur la tradition

Qui définit la pureté doctrinale ?

Un homme particulier et bien connu, avait fait obstacle à Rick Warren : Albert Mohler, président de Southern Baptist Seminary. Pendant la réunion des Messagers, certains de ses mots furent :

« Ce n'est pas seulement une question de politique de l’église ; ce n'est pas seulement une question d'herméneutique. C'est une question d'engagement biblique, un engagement envers l'Écriture qui, sans équivoque, selon nous, limite la fonction de pasteur aux hommes. »

Voulait-il dire par là que ceux qui détiennent un avis contraire sur le sujet manquent « d’engagement biblique » ? Il est vrai que l’on n’est pas censé prioriser la communion fraternelle au-dessus de la pureté doctrinale. Mais le problème advient quand c’est un petit groupe de gens qui définit ce qu’est la pureté doctrinale.

Quand il dit que la Bible limite la fonction de pasteur aux hommes seuls sans équivoque, quel texte a-t-il en tête ? En tout cas la plus grande majorité dirait 1 Timothée 2 : 12 mais aucun exégète sérieux ne peut affirmer que ce texte est sans équivoque !

Mohler n’est pas sans savoir que la lecture, l’interprétation et l’application de ce texte est un sujet herméneutique épineux. Alors que certains y voient une interdiction universelle basée sur des principes tirés de l’ordre de la création, d’autres y voient une interdiction circonstancielle conditionnée par un contexte historico culturel d’Ephèse et du monde gréco-romain. Des gens avec un engagement biblique incontestable comme John Stott ont abouti aux conclusions différentes que celles d’Albert Mohler et son cercle:

La situation particulière de l'Église d'Éphèse est à prendre en compte, mais l'instruction de l'apôtre a un caractère plus général… qui cependant n'interdit pas forcément l'exercice de ministères féminins. Car il faut tenir compte des deux antithèses utilisées par Paul au v. 12 :

1. s'instruire en silence/enseigner ; 2. avec une entière soumission/prendre autorité. La deuxième est l'antithèse fondamentale (qui reprend l'enseignement constant de Paul sur la soumission de la femme et le rôle de tête de l'homme), tandis que la première est une expression de la seconde. Si l'ordre créationnel entre l'homme et la femme a une valeur permanente, par contre l'interdiction d'enseigner (comme l'exigence du port du voile en 1 Co 11) constitue une expression culturelle, conforme aux pratiques du 1er siècle(1)

La Trinité et le ministère des femmes

Alors que le concept de la Trinite a été utilisé par les gens comme le professeur Wayne Grudem pour défendre une vision complémentaire, en partant de la subordination du Fils au Père, le même argument de la Trinite est utilisé ici par le professeur Donald Bloesch pour plaider en faveur des femmes. J’aimerais conclure cet article en le citant largement et sans commentaire.

Le Credo d'Athanase insiste assez sur le fait que les trois personnes de la Trinité sont coéternelles et égales. "Et dans cette Trinité, personne n'est avant ou après un autre: aucun n'est plus grand ou moins qu'un autre." …

Il y a, bien sûr, de la subordination – dans la Divinité aussi bien que dans la famille humaine. Le Fils se subordonne volontairement au Père pour accomplir un mandat particulier, et l'Esprit vient au secours du Fils et du Père. Il s'agit d'une subordination dans les rôles ou les activités, et non dans la substance ou l'être. Même ici, nous n'avons pas de règle absolue. La Bible donne des exemples de la subordination du Père au Fils (Jean 5 :22 ; 15 :16) ainsi que de la subordination du Fils à l’Esprit (Matthieu 3 :16 ; 4 :1 ; Marc 1 :12). . Il reconnaît également l'égalité du Fils et de l'Esprit (Apoc. 22 :17) ainsi que l'égalité du Fils et du Père (Jean 5 :18-21 ; Apoc. 3 :21 ; 5 :13 ; 21 :22). ).

Dans sa doctrine de la périchorèse, l'Église affirme que tous les membres de la Trinité participent aux actes des autres. Il y a une certaine priorité du Père dans les modes d'existence au sein de la Divinité ainsi que dans les manières par lesquelles la Divinité se rapporte au monde, mais cela ne signifie pas que le Père a une prééminence ontologique sur le Fils et l'Esprit.

De même, il y a une certaine priorité de l'homme sur la femme; pourtant cela n'indique pas une supériorité dans l'être mais un appel à assumer un rôle particulier — pourvoyeur et protecteur de la famille. Le rôle auquel chacun de nous est dirigé, cependant, n'est pas une loi de création qui ne peut jamais être enfreinte, mais une invitation au partenariat dans le service et le ministère.

Trouver son rôle dans la société humaine est moins façonné par la physiologie et la psychologie que par les vicissitudes de l'histoire. Le chrétien doit s'appuyer non pas sur des principes inflexibles et universels, mais sur la direction divine, qui est toujours particuliere et concrete. Bien que la Bible offre des directives, celles-ci restent générales et abstraites jusqu'à ce que l'Esprit les applique à une situation de vie spécifique et que nous entendions Sa direction qui nous est adressée personnellement. L'homme et la femme, créés l'un pour l'autre, sont néanmoins libres d'élaborer les particularités de leur propre vocation sous la conduite de l'Esprit.

Dans la plupart des cas, le mari sera le soutien de famille et le pourvoyeur, et la femme jouera un rôle de soutien mais néanmoins crucial en tant que mère et maîtresse de la maison. Mais à certaines occasions, la femme peut travailler avec son mari dans le ministère directement (comme dans le cas de Priscille et d'Aquila). À d'autres occasions, la femme peut recevoir l'appel au ministère à plein temps (comme dans le cas de Phoebe et Junia). Sur d'autres encore, la femme peut assumer la position de leadership spirituel sur les hommes (comme l'ont fait Deborah et Huldah).

Cela ne signifie pas que l'ordre de la création soit annulé, car il y aura toujours des différences physiques durables aussi bien qu'immuables entre l'homme et la femme. Ces différences, cependant, n'empêchent pas la femme d'occuper des postes de direction dans la vie civile ou religieuse, même si, lorsqu'elle est appeléà un poste de direction, elle doit s'efforcer de s'acquitter de ses responsabilités en tant que femme, et non en tant qu'homme.(2)

(1) John Stott, The Bible Speaks Today,Commentaire sur 1 Timothée

(2) Beyond Patriarchalism & Feminism by Donald G. Bloesch