Adoration ou divertissement?

La musique nous envahit et fait partie de notre quotidien, que l’écoute soit privée grâce à des écouteurs, en voiture ou en public. Cela étant, lorsque nous écoutons de la musique, à quel point réfléchissons-nous à la moralité de notre acte ?

Il y a des gens qui semblent être convaincus qu'à moins que la musique soit utilisée dans le contexte de l’adoration, tout autre usage devient un péché. Mais la Bible n’enseigne pas une telle exagération. La musique est utilisée dans la bible pour des fonctions autres que l’adoration. Les Israélites utilisaient également des instruments de musique pour avertir du danger (Néhémie 4 :20) et pour surprendre leurs ennemis (Juges 7 :16-22). Ainsi, même si le but premier de la musique semble être l’adoration, la Bible autorise bel et bien d’autres usages de la musique. Je crois que chrétien est un être normal qui peut se servir de la musique pour un but divertissant. 

Profane ou religieuse ?

Je crois que la plupart d’entre nous ont déjà catégorisé la musique en deux grandes classifications: religieuse et séculaire, profane et Gospel de façon que l’une doit annuler l’autre. Mais je me demande si dans un sens il ne s’agit pas d’une extrapolation.

Avant tout la musique n’est ni religieuse ni séculaire. Elle est juste musique. Comme le dit le théologien Michael Horton, la musique relève de la grâce commune, et dans un certain sens on ne devrait pas parler de musique chrétienne ou de musique profane.

La musique est au fond une question des mathématiques. Ce sont des notes, des sons, des silences, et du rythme. L’un n’est pas profane et l’autre chrétien.

La Bible nous dit que Dieu se révèle de manière générale dans la création mais qu’il se révèle surtout de manière rédemptrice dans les Écritures, culminant finalement dans la personne et l'œuvre de Jésus-Christ. La musique fait partie de ces choses générales qu'il nous a données tout comme le sport, la poésie, ou la cuisine et nous le glorifions en jouissant de ces choses là avec gratitude.

Style ou chanson ?

Les chrétiens sont généralement divisés entre eux quant au sujet de savoir si un chrétien peut écouter (chanter, danser, s’amuser) la musique séculaire. Mais quelque part dans la discussion on réalise que le jugement moral est beaucoup plus porté sur le genre musical que sur le contenu d’une chanson particulière.

La moralité dans la musique pour ces personnes sert à définir les genres que l’on ne doit pas écouter, plutôt qu’à juger ce que l’on écoute. Vous trouverez que certaines personnes ont une aversion envers certains styles comme hip hop, rap, rock ou autres selon l’âge, l’éducation, ou l’arrière-plan. Mais on les surprendra en train d’écouter une musique non chrétienne dans un style plus classique qu’ils jugent convenable. Avec une certaine supériorité morale, ils trouvent insupportables certains styles, peu importe le message.

La question des styles musicaux peut être hyper controversée parmi les chrétiens. Au lieu de reconnaître ces différences comme des préférences personnelles et des distinctions culturelles, certains chrétiens déclarent que leur style de musique préféré est le seul « biblique » et déclarent que toutes les autres formes de musique sont malsaines, impies, voire sataniques.

Il n’y a rien de mal en soi dans un style de musique particulier. Ce sont les paroles qui déterminent si une chanson est « acceptable » pour un chrétien. La Bible ne condamne nulle part un style de musique en particulier. La Bible ne déclare nulle part qu’un instrument de musique en particulier est impie. Il n’existe aucune base biblique permettant de déclarer qu’un style de musique particulier est impie ou en dehors de la volonté de Dieu.

Le contenu importe

La musique en tant qu’art exerce une forte impression sur nous. Elle suscite des émotions qui peuvent être immorales ou amorales. Elle est un puissant vecteur des idées constructives ou destructives. Il existe de nombreuses chansons profanes sans mention de Dieu qui défendent toujours des valeurs pieuses telles que l'honnêteté, l'intégrité, l’amitié, la solidarité, la patience, la fidélité , l’amour et autres. Nous devons faire un triage des chansons dites profanes en veillant à ce que le contenu ne contredise pas nos valeurs. Le besoin du triage est également valable pour les chansons dites Gospel qui transmettent des idées hérétiques et sont pires qu’une chanson dite profane qui transmet une vérité plutôt générale.

Le philosophe Boethius, dans son œuvre L’Institution musicale, considère trois niveaux de musique, dont un seul nous est accessible : la musique qui est créée par des instruments. Dans cette musique, il existe encore trois types d’engagement : l’instrumentiste, le compositeur, et le consommateur. Boethius propose que le consommateur est le plus éclairé, parce qu’il retient la facilité (et la possibilité) non seulement d’écouter la musique, mais aussi de la comprendre. Si nous acceptons cette idée, nous devrons aussi accepter une responsabilité vis-à-vis ce que l’on consomme.

La musique profane dans les réceptions des mariages chrétiens.

Il y a dix ans, pendant la réception de mon mariage, j’ai fait venir un artiste pour jouer live la musique de type country de Don Williams. Chanter de la musique profane pendant les réceptions des mariages chrétiens n’était pas encore aussi populaire que ça l’est aujourd’hui. En regardant en arrière et autour de moi, j’aimerais formuler humblement mon opinion sur cette pratique qui divise encore aujourd’hui.

Premièrement, Je crois toujours que le chrétien peut célébrer le don de la romance que Dieu a donné aux humains en se servant d’une chanson dite séculaire. Comme le pasteur Francis Chan le fait ici avec Still the One, de Shania Twain.

Deuxièmement, un chrétien est une personne ordinaire qui est concerné par les mêmes choses qui touchent les vies des autres. On n’évangélisera pas mieux en prétendant être des personnes hors du commun. Certains thèmes chantés dans les chansons dites séculaires parlent du quotidien que nous partageons tous, chrétiens ou non.

Troisièmement, nous risquons de tomber dans le vieux piège du sacramentalisme en voulant trop “sanctifier” le mariage. Avons-nous besoin de tout contrôler jusqu’au type de musique utilisé lors d'une cérémonie de réception? Ne sommes-nous pas là simplement pour témoigner légalement des vœux de mariage et accueillir dans la communauté de l’Eglise la nouvelle famille ?

En dernier lieu, et je risque de décevoir certains, les convictions ne suffisent pas. Dans certains cas on a besoin d’anticiper l’incompréhension voire la méfiance de la part de ceux qui nous entourent qui ne comprennent pas toujours nos choix et remettent en cause notre liberté.

Si tant d’incroyants participent à nos réceptions et nous écoutent chanter de la musique séculaire, ils pourraient dire « Eh bien, je n’ai jamais su que les chrétiens écoutaient le même genre de musique que moi. Nous ne sommes vraiment pas si différents !

Ils peuvent aussi dire « Pourquoi ces chrétiens essaient-ils d’agir autant comme moi ? J’espérais qu’ils pourraient apporter des réponses à mes problèmes. Ou peut-être : Pourquoi ne chantent-ils pas sur quelque chose qui a changé leur vie, plutôt que sur quelque chose que je connais déjà ?

Ne méprisons jamais la beauté de l’Évangile. Elle brille avec une splendeur inégalée quand elle est mise exergue artistiquement et devant sa glorieuse magnificence les vérités générales contenues dans les chansons des non chrétiens perdent l’éclat.

Ne négligeons jamais l’état désespéré des personnes qui ne connaissent pas Christ. Si ils doivent entendre trois mots venant de notre bouche, que ces mots soient: Christ est suffisant.

Pour terminer il faut avouer qu’il n’est pas toujours facile de réconcilier avec équilibre ces deux préoccupations :

Dans ce genre de situations, que la sagesse et la conscience nous guident.